En apercevant sur l’étal d’un bouquiniste ce titre caractéristique de la série noire se détachant en lettres jaunes sur fond noir quelque chose a résonné en moi. Moloch, ce titre me parlait. Je pense que la première image qui m’est venue à l’esprit est celle de ce drôle de petit lézard couvert de pointes qui vit dans le désert australien – de son vrai nom, après avoir fait la recherche sur Wikipédia, Moloch horridus. En consultant la quatrième de couverture et en constatant qu’elle reproduisait une partie de la bible, j’ai vite compris mon erreur. Le Moloch qui a donné son titre au livre est le nom d’un ancien dieu auquel des parents offraient un enfant en sacrifice. Il était représenté par une statue de métal vouée à recevoir ,dans ses bras chauffés à blanc, l’enfant promis à une mort atroce. C’est en tout cas la définition qu’a retenu Thierry Jonquet comme un symbole d’une histoire dans laquelle les enfants et la souffrance se trouvent au coeur de l’intrigue.

Ce roman est parfaitement construit, Thierry Jonquet commence en ouvrant largement le champ de son histoire. Il multiplie les personnages et les environnements pour mieux les rassembler par la suite au service d’un même thème. Le tout est très bien maîtrisé sans avoir recours aux artifices habituels permettant de maintenir le suspense. Il choisit plutôt d’étayer son récit par de solides références dans des domaines aussi variés que la médecine, le monde militaire ou l’univers artistique. Dire qu’il se base sur du concret est un euphémisme car il a même été soupçonné d’avoir puisé dans l’actualité pour nourrir son roman – cet épisode lui a valu un procès. Thierry Jonquet rend une copie irréprochable notamment grâce à sa construction millimétrée. Il n’oublie pas de rendre les personnages humains en nous faisant entrer dans leur quotidien et leurs souffrances sans oublier de les raccrocher au thème principal du livre. Si l’on fait l’exercice on se rend compte que tout, absolument tout, converge vers ce thème pour mieux le traiter, l’exposer sous des angles différents. Malgré ces très bons points, j’ai connu quelques passages à vide lors de la lecture, parfois je n’avais pas envie de m’y remettre – est-ce du au sujet qui n’est pas très gai. C’est en tout cas un très bon roman d’un grand auteur de romans noirs français. Il est à noter que ce roman met en scène les mêmes personnages qu’un livre paru quelques années plus tôt: Les orpailleurs.


Thierry Jonquet, Moloch, Gallimard, coll. « Folio Policier », 2001, 432 p, Amazon.