Neuf hommes embarquent depuis l’Islande sur un cargo direction le Surinam. Chacun, ou presque, emporte avec lui pour ce périple un lourd fardeau ou de profondes blessures. Contrairement à un équipage classique, tous les marins n’ont pas le même intérêt à ce que le voyage aille à son terme. Les ambitions personnelles et les conflits d’ordre professionnel vont venir bousculer l’ordre des choses et compliquer une traversée qui ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices.
Le mal est éternel et toutes les bonnes choses ont une fin …
Autant vous dire que l’on est très loin de la croisière s’amuse. C’est un univers totalement masculin, un récit de mer noir comme de l’encre à tel point que tout semble se dérouler dans la pénombre. Les évènements s’enchaînent à une vitesse incroyable et le destin de ces hommes semble tomber de Charybde en Scylla. On est happé par le récit et il est difficile de lâcher ce roman. Dans la grande tradition des huis clos, la tension est palpable en permanence. Attention cependant aux amateurs d’enquêtes car il s’agit ici d’un thriller et non d’un roman policier classique. Le pouvoir des forces de l’ordre semble bien dérisoire lorsque que l’on se trouve à plusieurs miles de toute côte habitée démuni face à une mer déchainée.
La narration est inventive et l’auteur utilise parfois une technique consistant à décrire la même scène vécue au travers de points de vues différents (par des personnages différents). Pour que le lecteur se repère, il se sert de balises textuelles, des phrases qui marquent l’esprit, retranscrites à l’identique qui permettent au lecteur de se recaler dans le temps et dans l’espace. Cette technique est très intéressante car elle n’est pas utilisée systématiquement mais avec à propos afin de souligner certains passages. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre même si j’ai été un peu déçu par la fin – mais ce ne sera peut-être pas l’avis de tout le monde. Dans les remerciements, l’auteur rend un hommage à Sartre, Lovecraft et Jim Morrisson. L’univers de Lovecraft est plusieurs fois évoqué de manière claire, la voix de Jim Morrisson est présente grâce à la cassette tournant en boucle dans le mess par contre Sartre … Peut-être pour le huis clos ?
Pour ceux qui voudraient en savoir plus je suis tombé sur une analyse très complète.
P.-S.: Merci à C. pour ce cadeau de Noël :]
Stefan Mani, Noir Océan, traduit par Éric Boury, Gallimard, coll. « Série Noire », 2010, 480 p, Amazon.