Victor est un écrivain qui partage un T2 avec un animal de compagnie original prénommé Micha. Victor a recueilli ce pingouin lorsque le zoo de Kiev a rencontré quelques difficultés pour nourrir ces pensionnaires. Micha a donc trouvé asile dans le T2 exiguë de Victor. Si celui est plutôt modeste, il bénéficie tout de même d’une baignoire permettant au pingouin de prendre des bains d’eau froide salvateurs. Car un pingouin n’est pas habitué à subir la chaleur ukrainienne – mettre chaleur et Ukraine dans la même phrase c’est quand même étrange. Le Pingouin attire tous les regards mais n’est pas devenu pour autant le porte bonheur de son maître en matière d’écriture, sa carrière ne décolle toujours pas. Pour se nourrir, Victor accepte une proposition d’un genre particulier du journal la Stolitchnaïa. Le travail qui lui est demandé est surprenant mais plutôt bien payé et pas très compliqué. Il s’agit de rédiger des nécrologies qu’il appelle ses “petites croix”. Ce n’est pas très passionnant ni valorisant mais ce travail ne le dérangerait vraiment pas si ce n’était un petit détail qui lui trotte dans la tête. Les personnes qu’il honore de sa prose ne sont pas encore mortes …
C’est la seconde fois que je lis ce roman. Il est parfois rangé dans la catégorie des polars mais je ne suis pas d’accord avec cette classification. S’il partage certains codes avec les canons du genre et notamment le milieu dans lequel évolue le personnage, il n’y a pas ici d’enquête et de rôle principal tenu par un policier. Au contraire, il se dégage de ce livre quelque chose de très particulier. C’est dans le domaine du ressenti, une ambiance. Est-ce lié à la personnalité de Victor, à la présence du pingouin ou plus certainement à tous ces petits moments du quotidien ? Ces plaisirs simples qui font aimer la vie: se rendre au centre de Kiev en trolleybus, passer le nouvel an dans une Datcha, partager une bouteille et des rondelles de saucisson avec un ami, boire une tasse de thé en regardant par la fenêtre, offrir un cadeau à une petite fille. Je serais heureux de partager une tasse de thé ou de café bien au chaud dans le petit appartement de Victor avant de partir en balade au bord du Dniepr gelé, regarder Micha plonger joyeusement dans les trous d’eau en rinçant nos tasses de café au cognac.
Ces moments magiques s’étiolent au fil du livre pour s’évanouir complètement vers la fin qui est moins réussie et ne fait plus qu’introduire la suite du livre: Les pingouins n’ont jamais froid. Je rédige moi aussi de petits textes, des billets sans prétention. Ils ne concernent pas des personnes vivantes mais des livres, c’est moins dangereux.
Andreï Kourkov, Le Pingouin, traduit par Nathalie Amargier, Seuil, 2004, 288 p, Amazon.