Patrick Modiano raconte son enfance se déroulant à une époque trouble de l’Histoire de France. Elle est pour le moins atypique, on y croise des personnages au destin singulier tout droits sortis de films de gangsters. On ne connaît pas exactement la nature de leurs activités mais on la devine, comme en les observant au travers d’une vitre en verre dépolie ou plutôt au travers des yeux d’un enfant. Le style de Modiano est surprenant. Il nous étouffe, sous les faits, les histoires et les personnages. Là où d’autres consacreraient un chapitre au développement d’une anecdote, lui y accorde trois lignes et passe immédiatement à la suivante. Les personnages sont traités de la même manière, sans approfondir leur histoire.

Quelle efficacité, on a l’impression de connaître l’auteur tant ses raccourcis nous sont accessibles. On reçoit le message, ce n’est pas chaque événement qui a une importance mais plutôt leur somme. C’est la dureté, cette incroyable solitude vécue par Modiano enfant qui ressort de ce livre. Il connaît même l’atroce douleur d’être ignoré par ses propres parents. Au milieu de cette rudesse, la lecture, et certains titres en particulier, lui offre un bref oasis de bien-être.

On en a le souffle coupé, en une centaine de pages il nous transmet la force d’un imposant ouvrage épique. On a l’impression d’avoir visionné en accéléré la genèse, dans un environnement hostile, d’un grand écrivain.


Patrick Modiano, Un pedigree, Gallimard, coll. « Folio », 2006, 144 p, Amazon.