Comment imaginer que même le pire tyran aurait pu être un autre ? Emettre l’hypothèse que l’Homme n’est pas intrinsèquement mauvais, que c’est la vie qui le transforme. C’est le pari risqué que tente ici Eric-Emmanuel Schmitt en s’attaquant au chef de file des nazis. Pour démontrer sa thèse, il utilise un genre particulier d’uchronie. Dans ce roman, la séparation entre les deux Histoires a lieu au cours du récit. Afin de mettre en perspective les deux univers résultants – la réalité historique et la fiction –, l’auteur nous propose de suivre en parallèle le parcours d’Adolphe et d’Hitler. De ce fait, tout en revivant les horribles évènements de l’Histoire aux côtés d’Hitler, nous observons les choix de son double fictionnel Adolphe.
En plus de la dimension historique non négligeable de ce roman, on ressent un énorme vertige en s’imaginant, le temps d’un roman, qu’un évènement aussi insignifiant aurait pu modifier si profondément le destin du Monde. L’auteur, comme il l’indique dans sa postface, a pris d’énormes risques en revisitant le destin de cet homme et s’en tire avec les honneurs. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Eric-Emmanuel Schmitt, La Part de l’autre, Le Livre de Poche, 2003, 503 p, Amazon.