Ce roman est construit comme une pièce de théâtre – Serge Rezvani est aussi dramaturge – où une courte phrase décrivant le contexte de la scène laisse immédiatement place aux dialogues. Ces conversations se déroulent exclusivement entre trois personnages : un enquêteur du domaine maritime, un criminologiste, poète à ces heures, et un “théseur”. Ces trois protagonistes ont la lourde charge de résoudre l’énigme de la disparition de toute une famille d’écrivains. Les membres de cette étonnante famille ont tous disparu en mer alors qu’ils effectuaient une croisière à bord de leur cabin-cruiseur l’Ouranos. Les seuls indices dont disposent les enquêteurs sont d’étranges symboles gravés sur la coque immaculée du bateau ainsi qu’une masse d’écrits en encombrant les cabines. Curieusement, le “théseur” est l’élément central de ce triumvirat. Il connaît parfaitement la vie de chacun des membres de la famille Knight et est le seul capable d’explorer avec discernement les nombreux écrits retrouvés à bord du bateau. Les deux hommes chargés de l’affaire sont donc à la merci de ce lettré passionné qui va mener du début à la fin cette danse macabre. Il laissera peser le suspens jusqu’au bout, jouant avec les nerfs de ses deux commanditaires. Il distille les informations au compte gouttes, trouve des mobiles à chacun des membres et semble s’en amuser.
C’est un livre dense, complexe dans lequel les personnages sont tout entier tournés vers la résolution de l’énigme. L’action n’est donc pas très présente et laisse la place à l’exploration du passé des écrivains composant la famille disparue. L’auteur est un érudit maîtrisant parfaitement la littérature et exploitant les mythes avec talent. Il ressort de ce roman difficile à suivre une sensation profondément dérangeante d’une histoire à la fois lugubre et sinistre – c’est la même chose non ?
Serge Rezvani, L’Enigme, Actes Sud, coll. « Babel », 2003, 233 p, Amazon.