Héraclès Pontor est l’alter ego antique du détective Hercule Poirot. Cette profession portait à cette époque le nom bien plus poétique de “déchiffreur d’énigme”. Un éphèbe est retrouvé mort, le corps couvert de profondes lacérations. Ses blessures donnent à penser qu’il a certainement été attaqué par des loups. Héraclès est sollicité pour examiner le cas, par un des plus fidèle disciple du grand Platon. Le détective et son employeur ont des idées diamétralement opposées et n’auront de cesse de s’affronter sur le plan philosophique tout au long de l’enquête.

Ce roman n’est pas qu’un simple polar ayant pour cadre la Grèce antique et pour protagoniste un Sherlock Holmes débattant philosophie avec son acolyte le Dr. Watson. Il cache bien plus car il contient des “eidesis”. Les “eidesis” sont des métaphores présentes de manière récurrente dans le récit. Ces répétitions créent un effet de style faisant apparaître inconsciemment au lecteur une idée indépendante de l’histoire racontée par le texte. Cette propriété fait des “eidesis” une forme de stéganographie. Cette technique est l’art de dissimuler un message dans un texte en clair. Elle a été rendue célèbre grâce aux échanges au contenu en apparence irréprochable entre Alfred de Musset et Georges Sand.

José-Carlos Somoza utilise un procédé narratif élaboré. Il ne se contente pas de nous raconter directement l’histoire mais nous propose la traduction d’un texte ancien dans lequel le traducteur communique directement avec le lecteur par le biais des notes de bas de page. Ce récit est donc une métafiction puisque l’histoire relatée par le manuscrit original suit son cours sans que le traducteur ne cesse de nous impliquer dans sa quête obsessionnelle des clés de l’oeuvre au travers de l’identification des “eidesis”. La grande question qu’il se pose (et que nous nous posons) est de savoir si ce qu’il voit (et que nous voyons) est le fruit d’une réelle intention de l’auteur ou le pur produit de son imagination.

Ce roman est un véritable travail d’orfèvre car l’auteur fait preuve d’une grande érudition en réalisant une prouesse à la fois technique, savante et poétique. Les différents niveaux de lecture, les discussions philosophiques et la reprise de nombreux mythes et légendes de la Grèce antique au cours d’une enquête concernant des meurtres inexpliqués font de ce roman labyrinthique une oeuvre unique que je conseille d’explorer sans tarder.


Jose Carlos Somoza, La caverne des idées, Actes Sud, 2003, 345 p, Amazon.