Je n’ose rien dévoiler de l’intrigue pour ne pas gâcher le plaisir de lecture. Je peux seulement divulguer que le commissaire aménage dans une maison qui est, selon son voisin – un vieil italien manchot –, hantée par une sainte ayant tuée de ses mains sept femmes avant de périr sous celles d’un tanneur et qu’un nouvel élément, une vielle connaissance du commissaire, vient ajouter sa pierre à la déjà très hétéroclite brigade. Il faut savourer ce roman, se laisser planer aux côtés du désormais célèbre Adamsberg. Fred Vargas flirte encore une fois, et avec de plus en plus de réussite, avec les limites de la réalité et les frontières de l’étrange. Elle nous offre, au fil des aventures de son cher commissaire, toujours plus de plaisir. Avec ce nouvel opus elle resserre les liens entre les aventures (il est d’ailleurs préférable d’avoir lu son précédent ouvrage – Sous les vents de Neptune – avant d’attaquer ce roman) et ajoute même de la cohérence à son univers en faisant intervenir l’un des trois apôtres découverts dans Debout les morts.
Quel plaisir de suivre les intuitions du commissaire toujours aussi inspirées par des éléments impalpables souvent dangereusement proche de l’irrationnel. Il essaie, tant bien que mal, de leur donner forme lors de pérégrinations le nez en l’air flottant entre rêve et réalité les pieds sur terre et la tête dans les airs volant avec les mouettes. Même son fidèle adjoint, l’érudit commandant Danglard – et non plus capitaine –, pourtant bien plus terre à terre se laisse entraîner, malgré lui, dans les délires de son meilleur ami.
Ceux qui sont encore plus cartésiens que Danglard pourront, peut-être, reprocher au roman le manque de crédibilité de certaines scènes. Cet écart par rapport à la réalité n’enlève rien à l’intelligence du récit. Bien au contraire, il est largement compensé par la poésie de la narration, la finesse dans la description de la psychologie des personnages et le réalisme saisissant des lieux et des ambiances.
N’allez pas croire que l’on a affaire à une histoire fumeuse et élitiste, tous les éléments du bon polar son présents : personnages attachants, suspens, réflexion, mystère et dénouement. En conclusion, je me range sans hésitation dans le camp des pelleteux des nuages et vous conseille vivement cette lecture.
Fred Vargas, Dans les bois éternels, Édition : Viviane Hamy., Imprint unknown, 2006, 442 p, Amazon.