Aux cinq rues, Lima
Après Le héros discret, j’ai poursuivi ma découverte par un autre livre récent de Mario Vargas Llosa. Aux cinq rues, Lima à un côté plus politique car l’auteur met en scène celui qui fut son opposant lors de l’élection présidentielle de 1990, Alberto Fujimori. Le fil rouge est une affaire de journalisme trash agrémentée par des histoires de couples plus légères et croustillantes – Mario était un coquin. La prose de l’auteur péruvien est toujours aussi limpide, son écriture plutôt classique au premier abord se modernise vers la fin du roman pour entremêler des dialogues provenant de différents contextes. Ce n’est pas un grand livre, mais une lecture plaisante entre thriller et comédie de moeurs. Un roman parfait pour les vacances écrit par un prix Nobel publié dans la Pléiade – de son vivant –, ça ne se refuse pas. ...
Shin Zero T1
Connaissez-vous les sentais ? La réponse est certainement oui, mais vous ne le savez peut-être pas – comme moi. Il s’agit d’un nom générique donné à des groupes de super-héros japonais vêtus de lycras colorés et dissimulant leur identité derrière un masque. Ils combattent courageusement les monstres géants, nommés kaijus, menaçant les habitants de Tokyo. Certains d’entre nous – les chanceux – ont pu suivre les aventures des différentes générations sur leur écran cathodique comme Bioman ou plus récemment Power Rangers. ...
Dans la prison
Dans la prison est une tranche de vie. Un peu comme dans le Journal d’une disparition, il n’y a pas vraiment d’histoire, mais plutôt un récit du quotidien comme seuls savent les écrire les japonais. C’est celui des années passées par l’auteur, Kazuichi Hanawa, au sein d’une prison japonaises dans les années 90. On découvre une vie extrêmement règlementée et codifiée – les japonais ont la réputation d’être respectueux des règles et ordonnés, alors imaginez ce que ça peut donner dans une prison – où la discipline est observée de façon exemplaire. Dans ce contexte monacal dépourvu de distraction, les repas occupent une place prépondérante et l’auteur s’est donné pour objectif de les répertorier. ...
Le héros discret
Le héros discret est le premier livre de Mario Vargas Llosa que je lis et ce ne sera pas le dernier. Même s’il ne s’agit pas de l’un de ses grands livres qui sont souvent plus anciens, j’ai beaucoup apprécié cette lecture. L’auteur nous invite à suivre en parallèle les déboires de deux protagonistes confrontés à des maîtres chanteurs. La prose du prix Nobel de littérature est très fluide, très simple et agréable à lire. J’ai ressenti un réel plaisir à chaque fois que j’ai repris la lecture, une sorte de réconfort à me replonger dans cet univers. ...
L'héritage fossile
Une énième histoire de colonisation d’une planète pour échapper au sort funeste de la Terre – le rêve d’Elon Musk. L’histoire est racontée en parallèle sur deux plans narratifs différents, pendant le très long voyage et, des milliers d’années plus tard, sur la planète de destination. Il y a une tension psychologique et éthique qui porte sur les moyens à employer pour atteindre l’objectif ultime, la sauvegarde de l’humanité. Un format original et des dessins très stylisés qui peinent à retranscrire des émotions. La chute est bien trouvée, mais tout le reste est assez conventionnel et ne pas pas emballé. Une petite déception. ...
Mon ami Kim Jong-un
Keum Suk Gendry-Kim réside, avec son mari et ses chiens, sur une petite île qui se situe à la frontière entre les deux Corées. Elle est très inquiète à cause du risque de conflit entre les deux États voisins et les tirs de missiles réciproques toujours plus fréquents ne sont pas de nature à la rassurer. Cette situation est le point de départ d’un livre dans lequel elle s’intéresse tout particulièrement à la dynastie des dirigeants nord coréens, dont le dernier à être au pouvoir est celui dont le portrait orne la couverture, Kim Jong-un. Alors que les choses soient claires, l’autrice n’est pas son amie – et peut-être encore un peu moins après ce livre –, mais elle s’intéresse à son enfance et aux personnes qui l’ont côtoyé. Il est particulièrement intéressant de parvenir à entrer, ne serait-ce qu’un tout petit peu, dans la vie privée – je ne vais pas parler d’intimité – de cette famille. Il faut dire que la vie au sein de cette dictature est assez méconnue, ma dernière expérience en BD remonte au Pyongyang de Guy Delisle. L’autrice souligne ensuite le paradoxe de ces deux Corées, en un sens le même peuple qui vit de façon diamétralement opposée, comme des jumeaux séparés à la naissance – comme si l’Allemagne n’avait jamais été réunifiée. ...
Les particules élémentaires
Les particules élémentaires retrace le destin de deux demi-frères délaissés par leurs parents. L’un, Michel, est un brillant scientifique complètement renfermé sur lui-même, solitaire et introverti. L’autre, Bruno, est un enseignant obsédé par la sexualité et toujours en quête de nouvelles expériences. La sexualité est au coeur de ce livre les recherches de Michel tendent vers une séparation entre la sexualité et la reproduction quand pour son frère, elle a été l’obsession de sa vie. ...
Pucelle
Florence Dupré la Tour raconte son enfance au sein d’une famille catholique bourgeoise. Le récit se polarise rapidement sur l’opposition homme / femme. La domination exercée par les hommes au sein de la société est incarnée par la figure de son père qui est l’archétype du mâle blanc riche qui n’a aucune interaction avec ses enfants et ne se préoccupe de la vie de la famille que pour partir en vacances. Puis la position de la femme soumise qui consacre tout son temps à sa famille. Et enfin celle des petites filles, l’autrice et sa soeur jumelle, qui sont laissée dans l’ignorance de la sexualité et semblent être uniquement destinées à se marier et à procréer à leur tour dans un cycle sans fin. ...
Giovanni Falcone
Roberto Saviano revient sur son sujet de prédilection, la Mafia, avec un livre monstre qui tourne autour de la figure emblématique du juge Giovanni Falcone. Au delà du juge, le livre décrit le combat dantesque de la justice contre la Mafia qui a donné lieu au maxi-procès de Palerme lors duquel ont été jugés près de 500 accusés. L’auteur a délaissé la forme journalistique de Gomorra pour celle du roman vrai ou roman non fictionnel qui permet de raconter des évènements à hauteur d’homme. Et les hommes qui ont servi la justice pour lutter contre le crime organisé on fait preuve d’un courage et d’une abnégation hors du commun. Ces hommes se savaient condamnés à force de voir la mort frapper autour d’eux. Et bientôt les bombes ont remplacé les rafales de Kalashnikov. ...
Gomorra
J’ai piqué plusieurs fois du nez à force de lire des noms et des surnoms de mafieux. Je me suis réveillé, j’ai recommencé et puis j’ai finalement abandonné, assez frustré. Frustré parce que le sujet m’intéresse, j’aime beaucoup comprendre ces organisations et la façon dont elles fonctionnent. Ce livre contient énormément d’information, mais il est malheureusement assez indigeste. Sa structure est inexistante et l’écriture est au kilomètre, la combinaison des deux est de nature à décourager les lecteurs les plus tenaces. L’exact opposé d’un autre livre consacré au crime organisé, Tokyo Vice, dans lequel Jake Adelstein, par un subtil mélange entre journalisme et roman noir, parvient à la fois à informer et à divertir. Je ne déconsidère pas pour autant le travail de Roberto Saviano et je vais d’ailleurs lire son dernier livre consacré à celui qui a payé de sa vie la guerre qu’il a livré à la mafia, Giovanni Falcone. ...
Les nuits que l'on choisit
Dans Les nuits que l’on choisit, Élise Costa nous fait vivre son métier de chroniqueuse judiciaire, elle est spécialisée dans les faits-divers. Son métier consiste avant tout à suivre les procès et à en rendre compte dans des articles – qui intéresseront si possible de nombreux lecteurs. C’est une chose, mais c’est sans compter l’impact qu’ont ces affaires sur celle qui les suit. Elle prend en pleine figure le flot d’émotions qui se déverse lors des procès, celles des victimes et de leurs proches, mais aussi celles des accusés et des personnes qui les entourent. Puis parfois le doute s’insinue et si ce n’était pas elle ou lui le coupable ? ...
Dans la forêt
Je suis un peu embêté par ce livre. D’un côté le début est plutôt réussi. Une histoire proche de la nature, l’apprentissage de la frugalité, la vie au rythme des saisons, l’autonomie. Et je me serais bien contenté de cette ambiance nature writing. Mais ce n’est pas le choix de l’auteur qui a décidé de pimenter son récit par des choix parfois surprenant auquel je n’ai pas toujours souscrit. La narration linéaire est liée à l’utilisation du procédé du faux journal intime tenu par l’un des protagonistes de l’histoire. Ce dispositif donne souvent des résultats décevants et c’est le cas ici. L’absence de chapitre qui découle de choix est aussi préjudiciable au rythme du récit. Bref, une déception qui m’incite à proposer des alternatives: ...
Je sors ce soir
Guillaume Dustan est fascinant. Énarque – même promotion que Jean Castex, mais pas tout à fait le même style –, militant pour la cause gay, écrivain trash, trublion des plateaux télé. Il me fait un peu penser – toutes proportions gardées – à l’ancien directeur de Science Po, Richard Descoings, raconté dans Richie. Ce qui fascine chez lui est l’absence de limite, la liberté totale. Lorsque Thomas Clerc a établi une édition des oeuvres de Guillaume Dustan chez P.O.L, je me suis dit que c’était la bonne occasion – les préfaces qu’il signe dans le livre sont d’une très grande qualité. J’ai donc commencé par le commencement, le premier tome de sa trilogie autopornographique inaugurale, Dans ma chambre, mais c’était trop trash pour moi. La sortie de Je sors ce soir au format poche a ravivé mon intérêt pour ce livre. ...
En territoire ennemi
Dans ce récit autobiographique Carole Lobel raconte le mécanisme de l’emprise. Elle revient sur sa relation de jeunesse qui s’est peu à peu transformée pour devenir toxique – et encore, le mot est faible. Pourtant, il y a des signes. Comme si, masqué par le volume sonore de l’orchestre, un tout petit violon se trouve désaccordé. L’autrice qui, si l’on en croit son récit a déjà publié des livres jeunesse, écrit sous pseudonyme – elle a peut-être emprunté le patronyme d’Arnold Lobel puisque lui aussi était dessinateur et auteur jeunesse – et on comprend pourquoi tant ce qu’elle raconte est dur pour elle, mais aussi pour sa famille. La connotation guerrière du titre est tout à fait à propos. ...
Tor
Tor est un tout petit village de montagne situé non loin de la principauté d’Andorre, dans les Pyrénées Catalanes. Souvent dans les petits villages l’ambiance ne correspond pas à l’image de carte postale, les tensions, les fâcheries et les disputes sont monnaie courante et perdurent parfois sur des générations. Mais ici les conflits ont pris une toute autre ampleur puisqu’il y a eu des morts. Une équipe de télévision se rend sur place pour mener l’enquête sur ce sinistre village et se fait happer par son sujet. Elle se retrouve vite à mener une enquête qui n’est pas sans risque. Le livre raconte l’histoire du tournage de ce reportage qui est relativement intéressante. Le bémol est que l’on n’est pas du tout dans le journalisme littéraire, la narration est poussive et même parfois peu claire. ...
Boule de feu
Je ne suis pas contre l’humour absurde ou loufoque. J’ai par exemple bien aimé un livre comme Zone de Crise de Simon Hanselmann et j’ai même trouvé que le Animan d’Anouk Ricard était assez rigolo – le mais va venir. Mais là je n’ai pas vu l’intérêt, il s’agit d’une histoire d’heroic fantasy très basique au second degré. Mais on est loin de Donjon, je n’ai même pas souri une seule fois et je n’ai globalement pas vu l’intérêt – ou je n’ai pas compris la subtilité. La seule chose qui a retenu mon attention est l’utilisation de photographies comme fond, ce n’est pas une mauvaise idée, ça donne un côté roman photo kitsch du plus bel effet. ...
La guerre par d'autres moyens
La politique, c’est la guerre continuée par d’autres moyens. C’est à cette citation de Clausewitz que Karine Tuil a emprunté le titre de son dernier livre. Il mêle politique et cinéma post MeToo. Ce sont des sujets qu’elle aborde régulièrement et elle est plutôt à l’aise dans ce domaine. Sur le plan technique, il faut souligner la présence d’une narratrice qui fait partie de l’histoire et qui parle, lorsqu’elle est concernée, à la première personne du singulier. Le roman est prenant, clair et intéressant, elle maîtrise son sujet. Elle fait du roman, difficile donc de lui reprocher que ses livres sont trop romancés. Rien à dire donc, enfin presque, l’histoire est parfois cousue de fil blanc et les personnages stéréotypés, mais ça fait partie du genre et c’est le peut-être le prix à payer pour écrire un roman qui reste facile d’accès. ...
L'accident de chasse
Je classe L’accident de chasse dans le club des très grandes bandes dessinées, je vais en citer quelques-unes pour donner une idée: L’Ascension du Haut Mal, Fun Home, Moi ce que j’aime, c’est les monstres, Asterios Polyp ou bien encore Maus. Pour faire partie de ce panthéon il faut un fond solide allié à une forme remarquable. Le fond est ici une histoire à tiroirs basée sur la vie du père et du fils Rizzo que l’auteur David Carlson a rencontré. L’histoire du père est connectée à celle, moins connue en France qu’aux États-Unis, de Leopold & Loeb que j’avais découvert – il y a très longtemps – en lisant le très bon livre Crime de Meyer Levin. L’auteur nous offre donc également l’occasion de revenir sur ces évènements sous un angle différent. ...
La Fin de l'homme rouge
Nous avons passé toute notre histoire à survivre, et non à vivre. Ce livre contient tous les malheurs et toutes les horreurs du monde, une boîte de Pandore qui aurait été ouverte à l’est de l’Europe. La lecture est éprouvante – parfois insoutenable –, on a du mal à réaliser, une souffrance d’un tel niveau paraît incroyable, impensable. Pour l’écrire, Svetlana Alexievich a interrogé la population et retranscrit ces entretiens. Le procédé ressemble à celui utilisé par Jean Hatzfeld pour relater les atrocité commises durant le génocide rwandais. C’est passionnant de lire toutes ces voix, ces mémoires qui s’expriment. Le choix des témoins est particulièrement important pour offrir une vision objective. ...
Les hommes manquent de courage
C’est ma mère qui avait insisté pour m’appeler Jessie. Elle ne s’était pas dit que ça ferait américaine, ou esthéticienne, ou candidate de télé-réalité. Elle trouvait ça joli. Je suis professeure de mathématiques. Mathieu Palain nous raconte l’histoire – a priori vraie – de Jessie – son nom a été modifié pour ne pas qu’on la reconnaisse. On sent bien que l’histoire est romancée et il est d’ailleurs écrit “roman” sur la couverture, mais à la fois, comme il le dit lui-même, elle ne peut qu’être vraie – sinon elle serait invraisemblable. ...