L’Amérique m'inquiète
Je connaissais le Jean-Paul Dubois romancier et j’ai découvert le chroniqueur / journaliste. Le point commun entre les deux ? Une écriture qui coule toute seule et un petit côté facétieux bien sympathique. Dans les années 90-2000 il a sillonné les États-Unis. Ses chroniques ont été publiées par Le Nouvel Observateur et rassemblées ici en une seul volume qui constitue une sorte d’intégrale regroupant L’Amérique m’inquiète et Jusque-là tout allait bien en Amérique....
Testosterror
Bienvenue à Beauf Land. Tous les attributs du mâle alpha de ce début du XXIème siècle sont là . La bagnole, le barbecue, la salle de sport, les magasins de sport, sans oublier évidemment le sacro-saint apéro – le barbecue restant le dernier bastion de la masculinité. Mais, oh malheur, une épidémie aussi contagieuse que le COVID s’attaque aux attributs viril de ces messieurs, une variante des oreillons qui entraîne un éléphantiasis des parties intimes....
Anonymous
[…] refus de laisser l’État espionner ses citoyens, refus de laisser la grande entreprise marchandiser les communications personnelles et manipuler les désirs des gens, refus de tirer profit du travail d’autrui … des refus qui visent essentiellement à empêcher une idée formidable de s’évanouir: nous sommes anonymes et avons le droit de l’être. Gabriella Coleman est une ethnologue dont la spécialité est le cyberactivisme. Elle s’est donc intéressée – de très près – au groupe de hackers Anonymous qui est connu du grand public grâce à leur principal signe distinctif, le masque de Guy Fawkes porté par V, le héros anarchiste de V pour Vendetta1....
La Cité perdue de Z
Ce livre est empreint de nostalgie. Celle des explorateurs de l’époque victorienne les Livingstone, Stanley – que j’avais déjà croisés dans Congo – ou encore Shackleton qui fait une apparition dans ce livre au côté de celui qui est au centre du récit et qui sera peut-être le dernier de cette époque, le colonel (lieutenant-colonel) Fawcett. Après eux, les explorations n’auront plus la même saveur, non seulement il y aura de moins en moins de terres vierges à découvrir, mais les techniques employées ne seront plus les mêmes – aujourd’hui les satellites sont les nouveaux explorateurs....
La Distinction
Je n’ai pas étudié la sociologie à l’école et la découverte de cette BD me le fait regretter. Je connaissais évidemment les classes sociales, et observé attentivement la transformation du transfuge de classe Edouard Louis dans En finir avec Eddy Bellegueule, mais je dois avouer que je n’avais jamais réalisé à quel point nos goûts et nos comportements étaient assujettis à notre appartenance à une classe sociale. La BD se dit librement inspirée du livre éponyme de Pierre Bourdieu et c’est le cas puisque Tiphaine Rivière – dont le prénom donne un indice sur sa classe sociale – développe sa propre histoire qui prend sa source au sein d’une salle de classe d’un lycée, l’un des rares lieux où les élèves de différentes classes sociales se mêlent, travaillent ensemble et tissent des relations avant de rejoindre définitivement à l’âge adulte leur classe sociale de destination....
Rocky, dernier rivage
Un rêve de survivaliste. Une maison isolée sur une île bénéficiant de tout le confort moderne du jacuzzi en passant par le home cinema alimenté par des pétaoctets de films, de musique et de livres électroniques sans oublier de la nourriture et de l’alcool en quantité suffisante pour tenir plusieurs années. Un privilège réservé aux ultra-riches comme Fred qui a pu se payer cette prestation incluant le transport sur place alors que l’humanité était à l’aube de l’extinction....
Mafalda, mon héroïne
Une BD pour célébrer les 60 ans de Mafalda (première publication en 1964), quelle bonne idée. Je ne connais pas bien le personnage – elle m’évoque surtout les cours d’espagnol au collège –, c’est donc l’occasion de (re)découvrir son univers. Cet hommage est exclusivement rendu par des femmes et ce n’est pas un hasard puisque à l’époque de Quino, son papa, les héroïnes n’étaient pas légion et les autrices encore moins....
Shiki
Rosalie Stroesser n’est pas la première à raconter en BD son expérience au Japon, je pense par exemple à Manabé Shima – beaucoup plus riant et léger – ou aux Cahiers japonais – beaucoup plus techniques. Mais ce récit se distingue par un sentiment contrasté qu’elle exprime elle-même très bien dès le début du livre. Comment évoquer cette relation particulière, toute en contradictions, que j’ai développée avec le Japon ? Ce mélange d’attirance et de rejet, cette fascination mêlée d’incompréhension....
La stratégie des antilopes
Une cohorte de prisonnier quitte la prison de Rilima après sept années de captivité. Il [un communiqué présidentiel diffusé à la radio] annonçait la libération d’une première vague de quarante mille détenus, tous de grands tueurs condamnés pour génocide, dans six pénitenciers à travers le pays. Plusieurs années après les événements qu’il a raconté dans ses deux précédents livres (Une saison de machettes et Dans le nu de la vie), Jean Hatzfeld a souhaité revenir sur le territoire du génocide pour rendre compte de la réintégration des génocidaires dans la société rwandaise....
Powers T1
Un petit revival, ça fait du bien de temps en temps. Cette fois j’ai jeté mon dévolu sur Powers – j’ai une édition Semic qui tombe en lambeaux. C’était l’époque des crossovers entre l’univers des super-héros et celui du polar. Les scénaristes avaient peut-être le désir d’ajouter de la crédibilité et d’encrer leurs histoires d’encapés en ajoutant une bonne dose de flics et c’est pas les références qui manquent puisque ce registre a rempli des étagères de littérature américaines et a donné naissance à des heures et des heures de séries télé....
La Fabrique du monstre
Ce livre sur la ville de Marseille s’articule en deux parties bien distinctes, mais reliées fermement dans un rapport cause / conséquence. La première est consacrée aux quartiers nord de la ville, à la misère et à la délinquance. La deuxième à la politique de la ville pendant l’ère Gaudin / Guérini qui a été catastrophique sur le plan de l’urbanisme et qui a contribué à détourner des fonds publics et / ou à blanchir de l’argent en collaboration avec le grand banditisme et les promoteurs immobiliers – je ne les mets pas dans le même sac....
L’Affaire Thomas Royer
Je ne lis pas habituellement ce type de romans. Je le dis sans prétention ni volonté de dénigrer le genre, c’est un fait et pourtant j’ai bien apprécié. La lecture est aisée, l’écriture est claire et efficace et on avance très rapidement dans la roman. Les ficelles sont un peu grosses, mais je dois reconnaître que ça marche – au moins sur moi. Voilà pour la forme, mais sur le fond, où l’auteur veut-il en venir ?...
Le Mystère du monde quantique
Expliquer la physique quantique en bande dessinée, pourquoi pas ! Le défi est intéressant, mais difficile à relever tant le sujet est ardu, abstrait, intangible. Mais c’est justement dans ce domaine que la bande dessinée a une carte à jouer. On peut tout imaginer, tout représenter, ça ne coute pas plus cher et ce n’est pas forcément plus difficile à faire. Tout est à portée de crayon. Ici le partis-pris est d’expliquer cette branche de la physique au travers d’une histoire vécue par un personnage ingénu, une sorte de tintin ratatiné et assez énervant – ce n’est clairement pas le point fort du livre....
La Défaite de l’Occident
Emmanuel Todd a une réputation sulfureuse – sa page Wikipédia est verrouillée – liée à ses positions et à des propos sans concession. Il se traine la réputation ambigüe de prophète depuis qu’il a prévu – ou prédit – la chute de l’URSS et la fin de l’hégémonie américaine. Ce n’est pas un hasard, il ne lit pas l’avenir dans une boule de cristal, mais en s’appuyant sur sa spécialité, la structure familiale, et sur des statistiques macroscopiques qui n’ont rien d’original: la démographie, l’éducation, le budget....
L’échiquier
Ce livre ressemble beaucoup à un précédent livre de l’auteur que j’ai beaucoup aimé, L’urgence et la patience. Cette ressemblance est manifestement assumée. J’ai l’impression, en m’immergeant dans ce livre, de retrouver mon élément naturel. L’urgence de l’écrire, la patience de la façonner, de le polir, de l’affiner, et, en temps voulu, de le reprendre depuis le début, sans cesse, à l’infini, de le retravailler, encore et encore. Il est aussi question de son métier, mais il est plus personnel, une sorte de plongée dans sa mémoire, comme on le fait au crépuscule de sa vie – je lui souhaite de vivre le plus longtemps possible....
Le secret de la force surhumaine
Ce volume est le troisième opus autobiographique après Fun Home et C’est toi ma maman ? Alison Bechdel a atteint la consécration grâce à cette série et elle revient d’ailleurs sur ce succès ici. Dans ce livre, elle creuse le même sillon, celui de sa vie, mais en braquant la focale sur elle et son étrange passion pour le sport qu’elle pense être liée à sa quête de la force surhumaine....
Le Journaliste et l’Assassin
Le journaliste qui n’est ni trop bête ni trop imbu de lui-même pour regarder les choses en face le sait bien: ce qu’il fait est moralement indéfendable. Emmanuel Carrère a tout résumé dans cette préface à la nouvelle édition et, en tant qu’auteur de non-fiction écrivant sur des faits-divers – comme dans l’excellent L’Adversaire –, n’est d’ailleurs pas tout à fait d’accord avec cette phrase de Janet Malcolm qui constitue à la fois l’incipit et le noeud du livre....
E.1027
E.1027 n’est pas le nom d’un colorant alimentaire, mais d’une villa située à Roquebrune, non loin de Menton. Elle a été construite entre 1926 et 1929 par Eileen Gray, une architecte et designer irlandaise, et Jean Badovici, un architecte roumain. Deux amis et amants qui combinèrent leurs initiales cryptées pour baptiser la villa, dont le nom sonne comme un rendez-vous secret: E pour Eileen, 10 (la 10ème lettre de l’alphabet) pour le J de Jean, 2 pour le B de Badovici, 7 pour le G de Gray....
Terrarium T1
Yuna Hirasawa nous invite dans un gigantesque urbex1 futuriste au sein d’un monde où les hommes et les robots cohabitent. Ce monde porte le nom d’arcologie – J’ai appris l’existence de ce concept, mêlant architecture et écologie, en lisant la postface de l’auteur2. Structure d’habitation gigantesque dont le cycle de production et de consommation, de ressources comme d’énergie, est complètement autonome, lui permettant de fonctionner sans apport de l’extérieur. Une jeune fille et son frère robot explorent ce monde crépusculaire à la recherche des derniers robots, pour en extraire le noyau dans le but de recomposer une clé et de retrouver leur mère....
Hiver 1812
J’ai déjà lu un livre consacré à la retraite de Russie de Napoléon et de sa grande armée, Il neigeait de Patrick Rambaud. Derrière se titre poétique emprunté à Victor Hugo se cache un récit à peine romancé de la grande débâcle. Dans le livre de Michel Bernard, on est plus proche du livre d’histoire, mais ma fascination pour cette épisode de l’histoire est restée intacte. Rien que d’imaginer des dizaines de milliers d’hommes venus de toute l’Europe de l’ouest marcher jusqu’à Moscou et prendre possession du Kremlin me paraît complètement fou....