D’où vient ce titre ? Un chant d’amour est un film de Jean Genet.

Depuis leurs cellules, deux prisonniers arrivent à communiquer grâce à un trou percé dans le mur qui les sépare.

C’est un bon début, mais l’auteur nous donne une autre explication. Ces mots ont été prononcés par notre ancien président François Hollande – il est enfin parti, la meilleure décision de son quinquennat – lors d’un diner en compagnie du premier ministre d’Israël, Benyamin Netanyahou.

Scène étonnante : un président socialiste français déclare son “amour” pour un des Premiers ministres les plus à droite de l’histoire d’Israël, un homme qui refuse obstinément toute solution politique fondée sur la création d’un État palestinien que la diplomatie française réclame sans relâche depuis des décennies. Et il voit “La vie en rose”…

C’est sur cette anecdote lourde de sens que les auteurs ont choisi de débuter ce livre – le ton est donné. Les formes de la BD évoluent et les genres non fictionnels (essais, documents, biographie) lorgnent de plus en plus sur ce médium qui semble leur fournir un moyen d’expression adapté qui parle au lecteur. Ici nous sommes en présence d’un réel hybride entre un essai et une bande dessinée puisqu’il contient des planches de BD, mais aussi des textes et des illustrations.

Le sous titre Israël-Palestine, une histoire française nous éclaire mieux que le titre sur son contenu. Si le sujet a été traité maintes et maintes fois, c’est l’angle d’attaque qui est original. Il se propose d’examiner l’histoire de ce conflit au travers du prisme français. Prisme large puisqu’il englobe les dirigeants et la population, mais aussi les journalistes et les intellectuels. Ce point de vue franco-français est souligné par le choix des couleurs. Uniquement le bleu, le blanc et le rouge sont utilisées. Ce sont évidemment les couleurs du drapeau français, mais le bleu est la couleur du drapeau israélien et le rouge la couleur du sang. Sauf erreur de ma part le vert du drapeau palestinien – qui est aussi le vert de l’Islam et de l’espoir – n’est présent que sur la couverture. Faut-il y voir un premier signe du déséquilibre qui est mis en lumière tout au long du livre ?

Je ne connais pas suffisamment le sujet pour me prononcer formellement sur l’objectivité et l’impartialité de la vision offerte par ce livre. Mais, une chose est sûre, on ne peut pas le qualifier de pro-israélien – je n’en dirai pas plus, mais j’ai comme un gros doute sur la question. L’auteur lui connaît parfaitement ce sujet et est même un spécialiste puisqu’il s’agit d’Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique et fondateur du journal en ligne Orient XXI. Puisque c’est un format hybride qui a été choisi, il est accompagné de la dessinatrice Hélène Aldaguer. Les informations se trouvant sur le rabat de la couverture, m’ont appris qu’elle réalise des illustrations pour des médias spécialistes du Moyen-Orient – je me doute qu’ils ont du se connaître dans ce contexte. Et c’est un très bon choix puisque les dessins sont parfaitement en accord avec le contexte et illustrent de façon pertinente ce récit.

Comme souvent, le format graphique permet d’entrer plus facilement dans ce vaste et complexe sujet. D’emblée, j’ai été frappé en voyant le général De Gaulle, même si c’est une évidence, ça m’a fait prendre conscience de la durée de ce conflit qui se poursuit encore aujourd’hui – à l’heure où j’écris ces lignes, des affrontement opposent israéliens et palestiniens sur l’accès à l’esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les israéliens). Ce livre offre un panorama complet s’étalant sur un siècle, de 1917 à 2017. Il permet de connaître ou de mieux connaître les grands évènements qui ont jalonné cette histoire et les motivations de chaque protagoniste. Il met en lumière le rôle de chacun, les opinions et le rôle de la diplomatie française et étrangère.

Si vous vous intéressez comme moi au Moyen-Orient, je vous conseille également la lecture d’une autre BD, Les meilleurs ennemis qui se propose cette fois d’étudier le rôle joué par les États-Unis dans cette région du monde et sa responsabilité dans les guerres qui ont ravagé et qui ravagent encore ces pays.


Alain Gresh & Hélène Aldeguer, Un chant d’amour, La Découverte, 2017, 192 p, Amazon.