La démocratie a ses limites. Prenez un panel de 6000 français qui ont renvoyé un bulletin afin de participer à la sélection de 50 oeuvres de littérature parmi 200 titres présélectionnées par des professionnels de la profession (critiques et libraires). Voilà, le décor est planté et Beigbeder commence le livre en ouvrant son parapluie. Ça promet.

Alors c’est vrai qu’il essaie un peu, mais sans grande conviction. J’avoue que le rejoins sur ce point. Lorsque l’on retrouve en treizième position L’Être et le Néant de Jean-Paul Sartre on ne peut s’empêcher de partager les mêmes doutes que lui.

Je ne suis pas convaincu que les votants aient tous compris voire lu L’Être et le Néant, sous-titré Essai d’ontologie phénoménologique […]

Et ce n’est pas le seul exemple dans le genre. Alors qu’est-ce qui peut expliquer certains choix ? Voici un autre point de vue éclairé sur la question.

Notre collège de 6000 lecteurs a semble-t-il été fortement influencé par les livres qui ont été adaptés à l’écran. Pourquoi croyez-vous que Le Mépris, Sous le Soleil de Satan, Autant en emporte le vent ou Le Nom de la rose apparaissent dans ce top 50 du Siècle ? Parce que les gens les ont vus au cinéma, ce qui est moins fatiguant que de les lire. [il parle ici du livre Le Hussard sur le toit]

Le pauvre Frédéric, grand fan des auteurs sulfureux, peine comme un malheureux à commenter Thérèse Desqueyroux ou Le Grand Meaulnes et a dû regretter en suant sur ses articles de s’être lancé dans cette galère. Parfois quelques fulgurances dans certains articles consacrés à des livres comme Bonjour tristesse ou L’Écume des jours égayent la lecture, mais le coeur n’y est décidément pas.

[…] une enfant gâtée [Françoise Sagan] toujours capable de nous battre, Edouard Baer et moi, au concours de vodka-tonic du Mathis Bar (2 rue de Ponthieu, Paris 8e)

Le plaisir de lecture s’en ressent et malgré mon penchant pour le style de Beigbeder je ne conseillerais pas la lecture de ce livre. Je préfère sans contexte le Beigbeder dictateur au Beigbeder démocrate et le trouve infiniment meilleur lorsqu’il impose ses choix comme dans le très bon Premier bilan après l’apocalypse.


Frédéric Beigbeder, Dernier inventaire avant liquidation, Grasset, 2001, 160 p, Amazon.