Cette BD ne se suffit pas à elle-même. Vous aurez besoin à un moment donné (avant, pendant ou après) d’un enregistrement – voire d’une vidéo – de Glenn Gould pour mettre des notes sur les images. Sandrine Revel a pensé à vous et propose sa playlist ainsi qu’une discographie raisonnée dans les annexes.

Il n’est en effet pas facile de faire ressentir l’émotion véhiculée par la musique au travers d’un livre – qu’il soit illustré ou pas. Sandrine Revel y parvient toutefois assez bien en proposant un récit elliptique, mais original, sur la vie de ce musicien hors norme. Si cette biographie en bande dessinée ne se prétend pas exhaustive, elle permet d’introduire de très belle manière l’univers passionné et tourmenté de Gould.

Le récit suit globalement une progression chronologique qui est introduite et guidée par ce que revoit Gould à la fin de sa vie. L’usage de ce procédé est une réussite car il agrémente beaucoup la lecture, il donne de l’épaisseur au récit. De nombreuses tentatives sont faites pour faire ressentir la musique, notamment en représentant les mains sur le clavier, mais pour un non connaisseur comme moi, l’effet n’est pas garanti. Je souligne au passage une très belle planche qui fait découvrir l’intérieur de l’appartement de Gould – forcément dédié à son travail – au travers du regard de sa cousine qui entend la sonnerie du téléphone et le cherche pour répondre.

Elle parvient par contre très bien à évoquer la personnalité tourmentée du musicien. Cela passe d’abord par un regard, une attitude et évidemment par son comportement sa relation aux autres. Depuis l’enfance – très émouvante – jusqu’à l’âge adulte, on a vraiment l’impression de saisir quelque chose de sa vie intérieure, on comprend qu’il n’a vécu que pour et par la musique et c’est assez vertigineux d’imaginer une vie consacrée à son interprétation sur un seul instrument, le piano.

Ma vie, c’est mon travail. Je ne crois pas que mon style de vie ressemble à celui de la plupart des gens, et ça me réjouit. Les deux éléments – le style de vie et le travail – se sont fondus en un seul. Si c’est excentrique, alors oui, je suis excentrique.

Certains diront qu’elle n’est pas exhaustive, mais ce n’est pas le but recherché – à cette fin, elle donne également des références dans les annexes. Le but recherché – je pense – est de transmettre quelque chose de l’homme, de nous introduire sur le pas de la porte de son univers, de nous donner envie d’écouter avec une oreille très attentive sa musique, son oeuvre, et elle y parvient parfaitement en alliant textes et dessins. Une très belle biographie en BD dans la veine de celle consacrée à Nietzsche, Nietzsche, se créer liberté.

Je tenais pour acquis que tout le monde partageait ma passion pour les ciels nuageux. J’ai eu tout un choc en apprenant que certaines personnes préféraient le soleil.


Sandrine Revel, Glenn Gould: une vie à contretemps, Dargaud, 2015, 128 p, Amazon.